Parce qu’il peut tout à la fois se révéler facteur d’inclusion comme facteur d’exclusion s’il est inadapté, le logement d’une personne âgée se doit d’être au cœur de nos préoccupations. Alors que tout le monde insiste sur la volonté des Français de vieillir chez eux, l’approche domiciliaire apparaît trop souvent comme le parent pauvre des politiques publiques du grand âge.
Pourtant, vieillir « chez soi » suppose que ce « chez soi » soit compatible avec les fragilités qui ne manqueront pas d’apparaître au fil des ans. Et si les années 1990-2010 furent celles de la construction d’un grand réseau d’Ehpad (quelques 770.000 places), les deux décennies à venir devront être et seront celles de l’adaptation des logements au vieillissement de leurs occupants, comme en témoigne le lancement de « Ma Prim’adapt » programmé pour 2024.
75% des seniors occupant un logement dont ils sont propriétaires, l’effort d’adaptation devra prioritairement porter sur ce type d’habitat. Mais si cette adaptation s’avère compliquée à réaliser ou trop coûteuse, le choix d’un autre domicile devra s’imposer. Car il ne suffit pas qu’un logement soit accessible : encore faut-il qu’il ne soit ni isolé, ni situé à 5 kilomètres de la première boulangerie, ni accidentogène.
Dans le même temps, nous assistons à un vieillissement massif des locataires du parc HLM. Si 30% des seniors de 65 ans et plus logent aujourd’hui dans le parc HLM, ils représentent plus du tiers des locataires actuels, proportion qui pourrait dépasser les 40% d’ici une dizaine d’années. Ce qui signifie qu’un enjeu de développement et d’adaptation des logements s’impose aux bailleurs sociaux, au travers d’une pluralité de solutions alternatives d’habitat.
La responsabilité des bailleurs sociaux est donc immense. Il leur faudra notamment répondre à trois défis :
- Adapter le parc existant
Sur les 4.5 millions de logements sociaux Hlm, nombreux sont ceux qui devront s’adapter au vieillissement de leurs occupants. Le chantier est immense et ne fait que commencer. Il concerne aussi les 100.000 logements des résidences-autonomie dont les murs sont souvent la propriété de bailleurs sociaux. Des dispositifs de soutien plus affirmés doivent alors être envisagés pour faciliter le maintien au domicile des publics seniors les plus vulnérables.
- Contribuer au développement d’un habitat alternatif
Les baby-boomers montrent déjà qu’ils privilégient de plus en plus l’usage à la propriété. Demain, ils seront de plus en plus nombreux à quitter le logement dont ils sont propriétaires pour un hébergement alternatif. Les bailleurs sociaux proposent et développent des solutions alternatives d’habitat : habitat groupé, colocations, résidences intergénérationnelles, résidences autogérées, cohabitation intergénérationnelle solidaire, habitat inclusif…
- Lutter contre l’isolement social, et favoriser le lien social
La carte de France de l’isolement montre que c’est en milieu urbain que la solitude des personnes âgées est la plus accentuée. Là aussi, le défi est immense pour celles et ceux qui ont la responsabilité de loger nos concitoyens âgés. Des formules d’accompagnement et des outils facilitateurs permettent plus fortement depuis la crise sanitaire de pallier l’isolement des seniors, et de générer du lien social dans la durée.
- Anticiper les évolutions technologiques
De plus, les bailleurs sociaux sont attentifs aux évolutions technologiques et numériques permettant une meilleure prise en charge du vieillissement. Domotique, objets connectés, téléassistance constituent les outils indispensables de demain, et permettent d’optimiser les compétences en la matière.
L’implication des bailleurs sociaux et au-delà des grands opérateurs du logement est donc essentielle. Dès maintenant, le domicile privé doit devenir une affaire publique.
Luc Broussy
Président du jury, président de France Silver Eco